Vie privée du salarié au travail : l’interprétation rigoureuse de la CEDH

Par un arrêt du 22 février 2018, la Cour européenne des droits de l’homme a confirmé qu’un employeur peut consulter les fichiers d’un salarié, en son absence, dès lors qu’ils ne sont pas identifiés comme étant privés. Cette jurisprudence confirme la position retenue en France par la Cour de cassation. Certes, depuis l’arrêt Nikon de 2001 (Cass.soc, 2 octobre 2001), tout salarié « a droit, même au temps et au lieu de travail, au respect de l’intimité de sa vie privée ; que celle-ci implique en particulier le secret des correspondances ; que l’employeur ne peut dès lors, sans violation de cette liberté fondamentale, prendre connaissance des messages personnels émis par le salarié et reçus par lui grâce à un outil informatique mis à sa disposition pour son travail, et ceci même au cas où l’employeur aurait interdit une utilisation non professionnelle de l’ordinateur ».

Mais cette jurisprudence a très rapidement été interprétée comme ne protégeant le salarié que dans l’hypothèse où ce dernier a clairement mentionné que le message ou le dossier en cause était personnel. A titre d’exemple, il a été jugé qu’ « une clé USB, dès lors qu’elle est connectée à un outil informatique mis à la disposition du salarié par l’employeur pour l’exécution du contrat de travail, étant présumée utilisée à des fins professionnelles, l’employeur peut avoir accès aux fichiers non identifiés comme personnels qu’elle contient, hors la présence du salarié » (Cass.Soc., 12 février 2013, n° 11-28649).

La Cour européenne des droits de l’homme se place de manière rigoureuse dans la droite ligne de cette jurisprudence, considérant en l’espèce que la mention « données personnelles » figurant sur le dossier informatique pouvait se rapporter à des dossiers professionnels traités personnellement par le salarié et ne désignait donc pas de façon explicite des éléments relevant de sa vie privée. En l’espèce, l’existence d’une charte de utilisateur, prévoyant que « les informations à caractère privé doivent être clairement identifiées comme telles (option « privée » dans les critères outlook) » et qu’il en va de même des « supports recevant ces informations (répertoire « privé ») a probablement également influé sur la décision des juges. Cela illustre en tout état de cause l’importance de la mise en place d’une telle charte.

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